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08/11/2009

Réponse à Cédric Baylocq-Sassoubre : qui manipule qui ?

Suite à la lettre ouverte à l'ambassadeur d'Italie concernant la conquête de Rome évoquée au congrès de l'UOIF, l'anthropologue Cédric Baylocq a publié vendredi 5 novembre un long article sur le sulfureux site Oumma.com censé démontrer que le contenu de cette lettre est mû par la malhonnêteté intellectuelle. Taxé de manipulateur et de raciste anti-arabe, ma réponse mérite d'être précise et détaillée.

  Préalablement, il convient d'expliquer qui est Cédric Baylocq. Doctorant au département d'anthropologie de l'université de Bordeaux II, il est le co-auteur, avec le belge Michaël Privot, d'un livre d'entretiens avec Tareq Oubrou, imâm de l'Association des Musulmans de Gironde (AMG), affiliée à l'UOIF, qui doit prendre les rênes de la future Grande Mosquée de Bordeaux. Comme leurs noms ne l'indiquent pas, les deux hommes ont une proximité avec leur sujet qui soulève la question de l'objectivité : Michaël Privot est converti à l'islam, appartient au mouvement des Frères Musulmans [1], et est le porte-parole de la mosquée de Verviers récemment au centre d'une vive polémique. Cédric Baylocq, athée, a réalisé une étude sociologique sur la communauté islamique de Bordeaux, en s'immergeant aux côtés des fidèles de la mosquée al-Huda de l'AMG. Lors d'un colloque où il expose la démarche de son travail, il affirme avoir noué des liens d'amitié avec les membres de la mosquée dirigée par l'UOIF :

«  Plutôt qu’un piège relationnel qui conduirait l’anthropologue droit dans le mur de la complaisance et de l’apologie, nous voudrions montrer ici à travers des exemples concrets que des liens d'amitié qu'il établit (ou a établi, avant même le début de son enquête) par sa présence prolongée sur le terrain (ou par sa trajectoire socio-urbaine pour un temps parallèle avec celle de ses informateurs amis), l'ouvre à une multiplicité des « figures indigènes » qui met à mal la dichotomie commune modéré vs intégristes2 » Citation extraite de l'intervention de Baylocq intitulée L'amitié comme condition de production des données ethnographiques, L'exemple d'une recherche sur les jeunes musulmans de France , Cahiers de l'Ades, Approche des terrains de recherche, Colloque organisé par DOC’GEO, Bordeaux, 28 mars 2006.

Voilà qui donne une idée de l'objectivité des deux auteurs questionnant un Tareq Oubrou lui même issu de l'école de pensée des Frères Musulmans.

 

  Le choix du média Oumma.com  n'est pas non plus neutre. Objet d'analyses répétées sur l'Observatoire de l'islamisation, Oumma.com, site d'information et de réflexion islamique, est alimenté par des contributeurs aux profils clairement radicaux. Ainsi, Hassan Iquioussen de l’UOIF a par exemple donné une interview le 3 février 2004 ou il incite les jeunes musulmans à manifester contre la loi sur le voile, en clair, défier les lois de la République : « Il faut des manifestations quotidiennes sur nos lieux de travail, dans la rue ». Ce conférencier avait défrayé la chronique dans la presse, à cause d'une cassette où il explique qu'au Hamas « La branche armée travaille très bien. Elle fait du bon boulot» et que les Juifs «ont toujours méprisé les êtres humains [2]».    

Dans un article[3] intitulé « Malek Boutih : La copie exotique du beauf gaulois » , le cadre du Parti socialiste est vivement critiqué pour s'être assimilé à la culture française. Lui est reproché par l'auteur Saïd Branine son goût du vin rouge et du camembert...  

                                

  Autre contributeur, Farid Abdelkrim qui écrit de temps à autres ses « coups de gueules » dans les colonnes du site. Il est également l'auteur d'un pastiche d'Astérix, La France des islams (auto-édition) dont le quatrième de couverture commence ainsi: 

 

"Nous sommes en 2005 après Jésus-Christ. Toute la Gaule est occupée par les gaulois... Toute ? Non ! Des villages peuplés d'irréductibles musulmans résistent encore et toujours à l'intégration. Et la vie n'est pas facile pour les garnisons de républicains."

 

  Oumma.com est très fort pour attiser les tensions communautaires. Dans un article au titre provocateur intitulé « Gitans et Forces de l'ordre, même combat ? », publié le 30 mai 2005 juste après les évènements de Perpignan  (lorsque  les communautés gitanes et arabes se sont affrontées) la police française fut gravement mise en cause : « Des scènes surréalistes : lorsque les forces de l'ordre tiennent leur barrage, des tirs retentissent impunément depuis les fenêtres des appartements de la communauté gitane. Sous la menace de voitures occupées par des gitans armés de fusils qui arpentent la ville à la recherche de maghrébins, les jeunes de certains quartiers organisent légitimement leur auto-défense »

 

  Les dizaines de vitrines de commerçants français brisées, l’investissement agressif du centre ville, sont ils à mettre sur le dos de la légitime défense ? Le sommet de la mauvaise foi apparaît lorsque l’auteur prétend que les hélicoptères de la police pourchassent les « victimes », soit les « jeunes » :

 

« Des hélicoptères traquent les jeunes au cœur de la ville, et des troupes d'élite coursent et frappent tout ce qui bouge… »

                      

Il serait fastidieux de citer tous les articles de Oumma.com emprunts de haine anti-française et de complaisance avec l’islamisme. Une des dernières publicités en page d’accueil affiche le livre Le sens des priorités de l’islamiste Yussuf Al-Qaradawi,  qui explique dans un autre[4] pourquoi il faut exterminer les homosexuels et battre les femmes désobéissantes, résume à elle seule l’orientation du média. Pourquoi Cédric Baylocq a-t-il choisi Oumma.com pour s'exprimer ? Peut être parcequ' aucun site musulman d’information en France n' est vraiment modéré, tel que je l’ai démontré en analysant le contenu des 15 plus importants sites islamiques francophones dans mon livre L’islamisation de la France

 

Voilà donc expliqué dans quel contexte idéologique vient l’attaque. Maintenant analysons ce qui m’est reproché.

 

1-      J’ai isolé une phrase de Tareq Oubrou qui modifierait le sens de sa compréhension.

2-      En lisant l’ouvrage Profession Imâm, je devrais conclure à l’effective rupture de Tareq Oubrou avec l’islamisme fondamentaliste des Frères Musulmans.

 

Lire ma réponse



[1] Son appartenance au mouvement fondamentaliste a été révélée par lui même dans le quotidien Le Soir du 3 juin 2008.

[2] Cité dans Les juifs ne cessent de comploter contre l'islam, Cécilia Gabizon, Le Figaro, 28 octobre 2004

[3] Article daté du lundi 12 janvier 2004

[4] Yussuf Al-Qaradawi Le licite et l’illicite, éditions Al-Qalam, 2001


 

Réponse au premier point : 

 

Tareq Swaidan, conférencier lors du congrès de l’UOIF, exhibe un hadîth de Mahomet (Les hadîth sont les « traditions » rapportant les propos de Mahomet) annonçant la conquête de Rome. Questionné sur cela par les deux auteurs, Tareq Oubrou se démarque évidemment de l’allusion belliqueuse du Cheikh kowetien, très maladroit et guère initié aux subtilités des nécessités la communication en terre européenne. Je n’ai certes pas cité in extenso la condamnation de Oubrou de la spontanéité avec laquelle s’exprime l’islamiste Swaidan, mais je précise qu’il « tente de rassurer l’opinion » en jouant la carte du pacifisme (ce qui exprime la même idée). De toute façon, Tareq Oubrou ne condamne en rien la terminologie employée de la conquête (fath), qu’il ne peut rejeter, car employée par Mahomet dans le hadîth :

 

« Quant à la conquête (fath) évoquée dans le hadîth bien précis, il n’est pas dit qu’elle doit être une opération militaire, mais pourrait être une simple présence pacifique, une "présence témoin "» (Tareq Oubrou, cité dans Profession Imâm, page 138)

 

   Le simple fait que Oubrou parle de « présence pacifique » le démarque d’un cheikh arabe ayant une stratégie va-t-en guerre. Ce n’était pas la peine d’en dire plus.

 

Maintenant, l’objet de la lettre ouverte est de soulever une énorme contradiction. Tareq Oubrou se dit pacifique, mais ne peut, en tant qu’imâm sunnite, que recevoir la parole du Prophète Mahomet comme digne de foi, surtout lorsqu’elle est contenu dans les Hâdith Authentiques (Sahîh), soit le cœur nucléaire de la jurisprudence islamique, reçus avec une fiabilité totale car justement « Authentiques » pour toutes les écoles juridiques du sunnisme.

 

Or, dans toute cette Tradition islamique, les conquêtes parallèles de Constantinople et de Rome ne sont en rien annoncées comme la résultante d’un seul prosélytisme en sandales à la manière des  missionnaires chrétiens. Il s’agit bien d’une guerre, physique si possible. Evidemment, s’il suffit aujourd’hui de jouer sur la démographie et l’immigration et de profiter des démocraties ouvertes européennes, on ne voit pas bien en quoi un imâm tel que Oubrou se « grillerait » en appelant au djihâd armé !

 

   Afin de se justifier, il convient d’écouter les spécialistes de l’islam nous expliquer d’où vient cette soif de conquête. A ce titre, lire un extrait de l’étude remarquable de Nadia Maria el-Cheik, chercheur à Harvard et professeur associé à l’Université américaine de Beyrouth, Byzance vue par les Arabes (Harvard Center For Middle Eastern Srudies, 2004) est éclairante. L’universitaire libanaise nous explique en quoi les conquêtes de l’ancienne Byzance-Constantinople et de Rome participent d’un même projet du « Prophète » :

« La tradition fait porter les regards musulmans vers la « cité d’Heraclius » en voulant la conquérir par le takbîr. Le takbîr , un terme employé par les premiers traditionnistes en faisant référence à la conquête des villes, est aussi bien le signal de l’attaque qu' une incantation destinée à s’attirer le soutien divin. Dans cette perspective, une force surnaturelle est attribuée au takbîr ; lorsqu’il est clamé par les guerriers musulmans, les murs massifs de la ville tremblent . Un autre hâdith rapporte :

« [Constantinople] sera conquise par les hommes qui s’écrient en implorant Allah, le Très Haut. Une fois qu’ils s’abattront sur elle, ils en auront pour trois jours, en appelant Allah  et l’implorant afin qu'Allah détruise son flanc est. Les Musulmans entreront alors dans la ville et y construiront des mosquées [1]»

  Constantinople n’est pas la seule ville devant être conquise par les armées des « croyants ». Un autre sujet discuté dans la littérature apocalyptique est l’épisode durant lequel « les villes de l’incroyance » seront conquises :

« Constantinople fut évoquée. Quelqu’un dit « La Conquête de Constantinople précèdera celle de Rome ». D’autres dirent : « La conquête de Rome précèdera celle de Constantinople ». Abdallâh b. ‘Amru demanda d’amener une boite. La boîte contenait un livre. Il dit « Nous conquerrons Constantinople avant Rome[2] »

‘Amru b. al-‘As est également à la source d’une tradition du Prophète où il questionne le Prophète sur quelle des deux villes, Constantinople ou Rome, sera conquise en premier lieu. Le Prophète dit « La cité d’Héraclius sera conquise en premier ». Une autre tradition rapportée par Ka’b rapporte : « Nous conquerrons Amorium avant Nicée, Nicée avant Constantinople, et Constantinople avant Rome »

Voilà pour ces rappels de l’universitaire Nadia Maria el-Cheik  du Harvard Center For Middle Eastern Studies.

Mais j’aimerai compléter en citant deux autres hadîth « authentiques » :

« Ibn Shihab rapporta que le Messager d’Allah (que la paix soit avec Lui) fit une expédition sur Tabuk et qu’Il ( le Saint Prophète) avait à l’esprit l’idée de menacer les Chrétiens d’Arabie en Syrie ainsi que ceux de Rome » Muslim V6670B037

 

« Rapporté par Khalid bin Madan : (…) Um Haram nous informa qu’il entendit le Prophète dire « le Paradis sera accordé au premier contingent de mes disciples qui entreprendront une expédition navale » . Um Haram ajouta « O apôtre d’Allah ! Serai-je parmi eux ? »Il répondit « Tu seras parmi eux ». Le Prophète ajouta : «  La première armée parmi mes disciples qui envahira la ville de César, elle lui sera remis tous ses pêchés ». Um Haram questionna encore «  Serais-je l’un d’entre eux, o apôtre d’Allah ? Il répondit par la négative. »

 Sâhih Bukhari ,Le Combat dans la voie de Allah, hâdith n°175 

 

 

  Voilà, les conquêtes parallèles de Rome et Constantinople furent une idée fixe de Mahomet selon la propre tradition musulmane. A ce titre, toute personne se présentant comme imâm sunnite doit obligatoirement adhérer au projet du « Beau modèle », surnom du Prophète, tel un patron sur lequel il faut calquer son comportement. L’intention pacifique de Mahomet à l’égard des Chrétiens n’a pas l’air de transpirer dans la Tradition musulmane. Cédric Baylocq l’a-t-il seulement lue ? Il est vrai qu'il n'est qu'anthropolgue et non un spécialiste de l'islam.

 

 

                         

Deuxième point, Tareq Oubrou aurait rompu avec l’islamisme radical qu’il professait à ses fidèles à Bordeaux, dont une conférence vidéo atteste la réalité. On l’entend à l’époque enjoindre ses fidèles bordelais à restaurer le Califat mondial, et donc à supprimer les frontières nationales (« la frontière entre deux pays est une hérésie méprisable en islam»), en insistant sur la nécessité de prendre le pouvoir politique en France (« La politique est une donnée, est une partie, est un élément de l’islam. Le Prophète était un chef d’Etat (...) La politique des musulmans ce n'est pas la politique des autres, la politique des autres est construite sur le mensonge »)

 

  Oubrou ne penserait aujourd’hui plus un mot de tout cela d'après Baylocq. Soit. Mais alors, que fait Tareq Oubrou encore à l’Association des Musulmans de Gironde, dépendante de l’UOIF, et que fait-il encore aux Rencontres annuelles de l’organisation ? Depuis le début des années 1990 l’UOIF convie dans ses congrès les islamistes les plus célèbres du monde. En 1992, Rached Ghannouchi chef de la branche tunisienne des Frères musulmans, y prononça un discours enflammé appelant à la domination mondiale de l’islam :

 

« Il est écrit que cette religion l’emportera inéluctablement sur toutes les autres religions (…)Il ne faut pas croire ceux qui vous disent que la politique ne doit pas se faire dans l’enceinte de la mosquée. Où se fait donc la politique ? La mosquée est le siège du gouvernement islamique. Où le prophète Mahomet et ses nobles successeurs conduisaient-ils les affaires de l’Etat ? N’est-ce pas dans la mosquée que la justice est rendue, l’enseignement dispensé et même l’entraînement ainsi que la conduite des opérations militaires ? [...] Qu’est-ce que cette séparation de l’Etat et de la religion ? L’Ilmania [laïcité], c’est un concept de Kouffars [infidèles]. »

 

 

    Toutes les éditions suivantes ont hébergé des discours du même acabit. La star de l’édition 2001 fut le cheikh Yussuf-al-Qaradawi, toujours cité au conseil scientifique de l’école d’imam de l’UOIF. Le célèbre Cheikh qatari s’est déjà prononcé en faveur des attentats suicides du Hamas, et a écrit noir sur blanc que les homosexuels doivent être mis à mort. Mieux, sur une vidéo encore visible sur Googlevidéo, on reconnaît Tareq Oubrou faisant réciter la profession de foi islamique à deux jeunes filles, Qaradawi dictant la shahâda, et Oubrou tenant le micro aux fillettes ! Cette vidéo date du Congrès de 2001, et Cédric Baylocq veut nous faire croire que la date de rupture de Oubrou avec l’islamisme date du début des années 1990 ?

 

  Collègue de Oubrou, l’imâm Amar Lasfar qui dirige la mosquée de Lille, est également un des cadres de l’UOIF intervenant tous les ans au Bourget. Dans un entretien dans la revue Homme et migration en 1999 il récusait le concept de citoyenneté républicaine auquel il substituait l’appartenance à la oumma, où la charia serait amenée à remplacer les lois impies de la république dans des enclaves territoriales : « Dans l’islam la notion de citoyenneté n’existe pas, mais celle de communauté est très importante, car reconnaître une communauté, c’est reconnaître les lois qui la régissent. Nous travaillons à ce que la notion de communauté soit reconnue par la République. Alors, nous pourrons constituer une communauté islamique, appuyée sur les lois que nous avons en commun avec la République, et ensuite appliquer nos propres lois à notre communauté » (Amar Lasfar « La cité mode d’emploi », Homme et migration, n° 1218, mars-avril 1999 p.55)

 

Dans la même veine, avant de réorienter sa stratégie de communication, (comme Oubrou !) il affirma : «  L’Assimilation suppose pour les populations islamiques se fondre à terme dans la population. Ceci est exclu car cela signifie l’abandon de la loi islamique […] Il n’y aura pas de dérogation à cette règle ».(Amar Lasfar, conférence à l’Alliance régionale du Nord, 9 octobre 1997)

 

 

   Que fait donc encore Oubrou en 2009 au Rencontres de l’UOIF ? C’est un peu comme un communiste repenti, assurant s’être converti à la sociale-démocratie, mais qui irait encore chaque année à la fête de l’Humanité…en ayant pour seule explication "oui mais j’ai mes différences".

 

Autre interrogation. Pourquoi dans son nouveau livre Profession imâm, Oubrou cite en référence afin de légitimer ses positions islamiques, et ce à trois reprises aux pages 42, 146 et 148, le théologien Ibn Taymiyya (1263-1328) très lu dans l’école hanbalite du sunnisme, d’où procède le Wahhabisme, et référence chez les salafistes djihadistes ? . Voici ce que pensait Ibn Taymiyya des Koufar (les non-musulmans) :

 

« Si avec les Koufar il y a des gens pieux, les meilleurs de l'humanité, et qu'il n'est possible de combattre les Koufar qu'en tuant les pieux, alors  ils doivent être tués aussi.» (Ibn Taymiya, Majmu'a al fatawa 28/537)

 

Quant à la question du djihad dans son  texte Le gouvernement selon la Loi d'Allah en corrigeant le dirigeant et ses ouailles, on y lit :

               

« Les punitions que la Shari'ah [Charia] a introduites pour ceux qui désobéissent à Allah et à ses messagers sont de deux sortes :


      1) Le châtiment de ceux qui sont sous la domination [de l'Imam], individus et collectivités, comme il a été évoqué auparavant [dans le chapitre sur le droit pénal]

2) Le châtiment des groupes récalcitrants, comme ceux qui peuvent être soumis à la domination de l'Imam seulement par un combat décisif. C'est donc le djihad contre les mécréants (koufar), les ennemis d'Allah et de son Messager. Quiconque a entendu l'injonction du Messager d'Allah et n'y a pas répondu, doit être combattu, Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'association et que la religion soit entièrement à Allah seul. Sourate Al-Baqarah verset 193 et sourate Al Anfal verset 39. »

 

Plus loin on trouve, toujours dans le même texte :

 

« c'est la meilleure de toutes les façons de mourir. Puisque la guerre légale est principalement le Djihad et puisque son but est que la religion soit entièrement à Allah Seul (sourate Al-Baqarah verset 89 et sourate Al Anfal verset 39) et que la parole d'Allah ait le dessus (sourate At-Tawba verset 40), alors, selon tous les Musulmans, ceux qui font obstacle à ce but doivent être combattus. »

 

Selon la chercheuse Malika Zeghal du CNRS, auteur d’un livre essentiel sur Les oulémas d’Al-Azhar dans l’Egypte contemporaine (Presse de Science Po,1996), Ibn Taymiyya est le principal référent des islamistes afin de légitimer l’assassinat des déviateurs (mâriq), des impies (kâfir), des apostats (murtadd) et créateurs d’innovations théologiques blâmables (bid’a-s) L’essayiste libéral Faraj Fûda, fondateur du parti laïque Mustaqbal, dont les textes ont été mis à l’index dès 1986 par l’université d’Al-Azhar , fut assassiné le 7 juin 1992 car il rentrait dans ces catégories hétérodoxes. Le « séminaire des oulémas », collectif regroupant douze enseignants de la faculté de prédication islamique d’Al-Azhar et autant de l’université du Caire, fut immédiatement montrée du doigt ayant réclamé cinq jours plus tôt l’interdiction du parti Mustaqbal dans une lettre ouverte au président de la République. Ghaffar ‘Azîz, président de ce séminaire (nadwa) répondit par un pamphlet condamnant l’acte, mais, rapporte Malika Zeghal : «  le pamphlet de ce docteur d’Al Azhar s’attache cependant à montrer que Faraj Fûda méritait bien la mort, mais une mort légalisée. Il reprend dans cette intention les catégories forgées par l’islamisme politique et la doctrine d’Ibn Taymiyya, ce penseur médiéval amplement utilisé par l’islamisme radical pour justifier le recours à la violence politique » (Malika Zeghal, Gardiens de l’Islam, Les oulémas d’Al-Azhar dans l’Egypte contemporaine, Presses de Science po, avril 1996, p.329)

 

Déjà, dans un livre d’entretiens avec Leila Babès, Loi d’Allah, loi des hommes (Albin Michel, 2002), Tareq Oubrou citait Taymiyya comme une référence doctrinale parmi d'autres théologiens islamistes « je n’hésite pas à m’inspirer de tous les courants islamiques anciens ou modernes : salafisme, soufisme, mutazilisme, Frères Musulmans. Dans chaque courant il y a du positif et du négatif. Hassan al-Banna, à ce titre, reste pour moi l’un des personnages qui m’ont le plus marqué avec Shafi’î, Ghazali, Ibn Arabi, Ibn Taymiyya et d’autres »

 

 

 

   Autre élément : le "chef de projet" de la Grande Mosquée de Bordeaux est également proche de l'Institut international de la pensée islamique (IIIT), organisation au siège de laquelle il donne régulièrement des conférences, comme les 27 janvier 2007 et 11 janvier 2009. Cet Institut, dont l’antenne française se trouve à Saint-Ouen, est subtilement islamiste, également lié avec les Frères Musulmans. L’institut est né en 1981 dans l’état de Pensylvannie, sous l’impulsion de hauts responsables des Frères Musulmans. Son fondateur Abdul Hamid Abu Sulayman, est un séoudien ayant obtenu 3 380 000 dollars de son royaume pour lancer cette institution ayant pour objectif affiché « l’islamisation des savoirs », faisant office de réservoir d’idée et de centre de formation pour intellectuels  islamistes, afin de leurs inculquer les méthodes de camouflage en occident.

 

   L’ IIIT a fait l’objet d’enquêtes approfondies, aussi bien par le FBI que par des spécialistes de l’islamisme, le mettant en cause dans le financement du djihad international. Le journaliste Sylvain Besson dresse dans son livre La Conquête de l’occident (Seuil, 2005)  un portrait accablant de l’institut ami de Tareq Oubrou :

 

 « L’accusation de soutien au terrorisme se fonde sur les relations de l’IIIT avec deux institutions islamistes un peu particulières. En 1997, un directeur de l’IIIT a versé 325 000 dollars à la Fondation de la Terre sainte. Or, des enregistrements effectués secrètement par le FBI indiquent que celle-ci a servi de couverture financière au groupe palestinien Hamas (…) L’IIIT a également entretenu des rapports suivis avec un institut basé en Floride, l’Entreprise mondiale d’études islamiques, ou WISE selon son acronyme anglais. Dès 1990, l’IIIT lui a versé des dizaines de milliers de dollars, et son soutient financier s’est poursuivi jusqu’en 2001. Des documents saisis en 1995 au domicile d’un dirigeant du WISE, Sami al-Arian, suggèrent que cette organisation était un appendice de groupe armé palestinnien Jihad islamique. Ce fait était d’ailleurs expressément souligné lors des réunions de récolte de fonds organisées par al-Arian. En février 2003, celui-ci a été inculpé par la justice américaine de soutien au terrorisme. (…) L’analyste israélien Reuven Paz  a participé à l’enquête américaine visant Sami al-Arian et WISE. Il a eu accès à l’un des documents découverts au domicile du militant palestinien. Cette « Charte du centre pour les études, le renseignement et l’information » vise à espionner les Etats-Unis de l’intérieur et à apprendre aux militants du Jîhad comment se fondre dans une société non-musulmane en supprimant tout signe extérieur d’islamisme, à commencer par la barbe. (…) et conclu «  ce dont nous avons besoin, c’est de démanteler le système culturel de l’Ouest ». Dans des conférences organisées aux Etats-Unis, al-Arian martelait le même refrain en termes différents :

 

« Le Jihad est notre chemin. Victoire à l’islam. Mort à Israël. Révolution jusqu’à la victoire […] maudissons l’Amérique, maudissons Israël, maudissons leurs alliés jusqu’à la mort » Cité dans Sylvain Besson, La Conquête de l’occident, le Projet secret des islamistes, Seuil, 2005, pages 136-137

 

   Le directeur même de l’IIIT à l’époque, et membre fondateur, Taha Jaber al-Alwani, soutenait al-Arian moralement et financièrement ! Ancien enseignant à l’université Ibn Séoud à Ryad, al-Alwani est une figure majeure des Frères Musulmans en Occident, il a participé à la fondation du Conseil européen de la fatwa et de la recherche, structure liée à l’UOIF dont certains de ses dirigeants figurent dans l’organigramme. Ainsi, la connexion entre Tareq Oubrou, membre de l’UOIF  et l’IIIT devient de plus en plus évidente.

 

   La « Charte du centre pour les études, le renseignement et l’information » découverte chez le militant Sami al-Arian rappelle donc aux cadres des Frères Musulmans à « supprimer tout signe d’appartenance à l’islamisme ». Suivez mon regard…                                                                                             

                   

 Ce n'est pas tout, l' IIIT France édite également des livres. Parmi eux, je renvois à une note de décembre 2007 où je décortiquais le contenu clairement radical de l'ouvrage de Ismail Al-Faruqi (+1986), Tawid, traduit et édité par l'IIIT France. Encore plus énorme, l'IIIT a obtenu de l'Education nationale la mise en place d'un cursus LMD (licence-maîtrise-doctorat) en charia !                                                      

 

Tareq Oubrou est bien évidemment parfaitement au courant de ce qu'on enseigne à l'IIIT...et cela ne l'empêche pas d'aller y "prêcher la bonne parole", au contraire cela semble l'enthousiasmer !

 

 

  Quand Cédric Baylocq me reproche un amalgame  AMG-UOIF-HAMAS, avec un Alain Juppé forcément complaisant en leur donnant 8 hectares pour une mosquée géante, il n'a guère d'arguments pour contrer des liens idéologiques plus qu'étroits : les conférenciers et invités vedettes des congrès de l'UOIF soutiennent le Hamas (Gannouchi, Swaidan, Qaradawi, Iquioussen, Basfar...), et on se souvient (en tout cas moi) des images du journal de France 2, lors du congrès en 2004, montrant les responsables de l'UOIF faire applaudir la mémoire du Cheikh Yassine, chef du Hamas tué par Tsahal en septembre 2003...Notre Tareq Oubrou est toujours au milieu de tout ce petit monde, tranquillement.

 

 

  On le comprend, expliquer mon acharnement sur Tareq Oubrou par un racisme anti-arabe et par ma supposée mauvaise foi ne tient pas debout. Cédric Baylocq croit sur parole Tareq Oubrou lorsqu’il prétend dans son livre avoir avoir "évolué"  (p.89) et effectué un "grand tournant théologico-canonique" (p.38). Comme par hasard, cette rupture intervient concomitamment au moment ou l’imâm doit rassurer la mairie de Bordeaux, qui vient de mettre 8 hectares de terrain à sa disposition afin que l’AMG édifie une Grande mosquée, et également au même moment ou il commence à être invité par les médias télévisés. Une coïncidence en amenant une autre, Amar Lasfar, son collègue de Lille, a lui aussi réajusté en profondeur son discours communautariste cité plus haut, depuis qu’il est invité aux mêmes émissions sur France 5… Autre membre inquiétant de l’Association des Musulmans de Gironde (donc également membre de l’UOIF), Mahmoud Doua, bras droit de Tareq Oubrou, a obtenu un poste à l’université de Bordeaux III afin d’enseigner l’anthropologie du monde arabo-musulman. Ce docteur en sciences politiques  s’est récemment  fait remarqué lors d’un débat télévisé (France 5, vendredi 19 juin 2009) pour avoir comparé la police belge verbalisant les femmes portant une burqa (appliquant un arrêté local interdisant de se masquer le visage hormis les jours de carnaval) avec la police religieuse d’Arabie Séoudite ! Mahmoud Doua enseigne la connaissance de l’islam dans les mosquées girondines de l’AMG. 

 

   Que Cédric Baylocq continue de croire ces barbus en costar cravate, eux qui jurent dorénavant  main sur le cœur une fidélité sans faille au "pacte républicain". Mais il faudra un peu plus que des suspicions de racisme à mon égard, vieille ficelle du terrorisme intellectuel, pour me disqualifier dans le grand débat des années à venir : l’islamisation de la France est-elle légitime ?

 

Joachim Véliocas,  8 novembre 2009.



[1] Ibn Hammâd, Kitâb al-fitan. Traduction dans Cook. « Apocalypse musulman et Jihâd », p. 295 

[2] Ibn Hammâd, Kitâb al-fitan, 294

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